Porter son héritage, à l’autre bout du monde, et en faire un vecteur entrepreneurial
Bonjour Adriana, tu as récemment « déposé tes valises » d’expatriée à Shanghai, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Bonjour The Musettes ! En effet, je suis installée à Shanghai en Chine depuis quelques mois. Nous vivons en centre-ville dans le quartier de l’ancienne concession française. C’est un quartier chargé d’histoire, mais qui vibre de plein d’énergies nouvelles et modernes. C’est très vivant, un mix de tradition et modernité très propre à la Chine. Et on peut tout faire à pied ou à vélo.
Comment êtes-vous arrivé à Shanghai ? Avais-tu l’expérience de l’expatriation auparavant ?
Mon mari a été muté par sa société, après 7 ans au Japon. Nous tournions autour de la Chine depuis un moment au rythme de nos expatriations, et nous avions très envie d’aller au cœur de l’activité chinoise. Donc quand l’occasion s’est présentée nous avons signé pour Shanghai.
Je suis « une pro de l’expatriation » en quelque sorte ! J’ai démarré mes expériences à l’étranger plutôt jeune. Je suis colombienne, je suis arrivée en France à l’âge de 10 ans. Ensuite, je suis repartie avec mon mari à 24 ans, aux Etats-Unis, New York un peu, puis Miami, un temps à Hong-Kong, puis retour à Paris quelques années, où nous sont nés nos deux enfants, Alix et Jules. Enfin un nouveau départ vers l’Asie, Taipei, Tokyo et maintenant Shanghai !
Rendez-vous en terre inconnue à la rencontre de ces femmes Wayuus aux mains de fées
Pourquoi l’entrepreneuriat ici et maintenant ?
Ce projet est le fruit de mes multiples attaches : mes racines colombiennes, ma patrie d’adoption et mes expériences professionnelles. Je suis née en Colombie, j’ai grandi en France et j’ai travaillé dans la distribution sélective, en particulier dans les accessoires.
Après quelques années dans le luxe puis l’accompagnement des entreprises françaises, j’ai souhaité mixer tout cela et faire quelque chose d’utile.
Lors d’un voyage en Colombie ce projet de créer une marque « éthique chic » m’est apparue comme une évidence. Evidence de renouer avec mes racines, de contribuer au développement de peuples oubliés qui sont les Wayuus, et de faire travailler des femme, cheffes de famille, de leur art tout en respectant leur environnement et traditions, j’ai donc créé AALUNA.
Notre entreprise propose des sacs chics et éthiques entièrement confectionnés à la main par des femmes de la communauté Wayuus, dans le nord de la Colombie.
Que veut-dire AALUNA ?
AALUNA a deux significations ; le mot ALUNA, vient de la langue Kogui, une tribu colombienne qui vit sur les hauts plateaux. Les Koguis sont de grands sages ils sont “nos grands frères”, et ont un rapport à la nature et l’environnement très avancés. Ainsi, dans leurs croyances, le monde se divise en 2, ce que l’on peut voir et toucher, et ce que l’on ne peut ni toucher, ni voir, autrement dit le spirituel, AALUNA représente cela. AA : sont les initiales de mon nom Adriana Archambault.
Comment se sont passées les démarches administratives ? et quelles ont été les différentes phases de la création d’AALUNA ?
La création administrative a été assez rapide, quelques mois, La phase de prototypage a été plus longue, environ une année, et couteuse, parce que beaucoup de modèles n’ont pas pu être retenus car il a fallu qu’on apprenne ce qu’il était possible de faire techniquement.
L’entreprise s’est essentiellement montée en quatre phases.
D’abord une phase de “création” : création d’AALUNA en tant que personne morale au Japon et dépôt du nom de marque. En parallèle, la styliste de la marque Lucie Soriano a dessiné une ébauche de première collection, qui a été peaufinée grâce a des tables rondes de consommateurs et des discussions avec nos artisans, enfin j’ai créé l’identité visuelle de la marque avec Charlotte Cahil, graphiste, qui m’accompagne encore sur l’évolution de l’identité graphique de la marque.
Dans la deuxième étape, nous avons démarré le tissage des prototypes, testé le marché auprès d’amies et connaissances que je ne remercierai jamais assez de leurs encouragements, et travaillé avec des amies japonaises pour commencer à implanter la marque commercialement: site, brochures, salons.
Et là, a démarré la troisième phase du projet. Nous avons présenté notre première collection lors d’un salon professionnel à Tokyo. Nous avons été repérés par Hankyu Umeda, un des grands magasins les plus chics du Japon, qui nous a commercialisé et grâce à ce premier référencement nous avons pu continuer à nous déployer sur d’autres grands magasins sélectifs au Japon.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui nous en sommes à la quatrième phase. Comme je suis partie du Japon j’ai dû trouver des relais, et la marque repose aujourd’hui au Japon sur 2 distributeurs, 1 administratrice des ventes japonaise basée au Japon et une coordinatrice des ventes.
Nous nous lançons maintenant sur d’autres marchés en faisant très attention à ne pas « voir trop gros » car les sacs que nous proposons ont besoin de temps pour être fabriqués ; on est vraiment au cœur de la “slow fashion” et en ces temps de Covid et d’instabilité géopolitique je fais très attention à ne pas forcer les choses.
AALUNA achète les sacs à ses artisans “au juste prix”. Nous ne négocions pas les prix que nous savons calculés avec beaucoup d’attention, par pièce produite. Ensuite viennent d’autres dépenses. Il faut être conscient qu’une référence engendre des coûts et des démarches (prototypes, photos, catalogue, référencement online, etc..), par conséquent chaque sac que nous développons est travaillée dans le détail, et il ne sera produit que si nous savons qu’il sera parfait et que nos clientes aimeront les porter et pour longtemps.
Comment travailles-tu avec les réseaux sociaux ?
Pour le moment mon business est surtout sur l’offline, je gère moi-même Instagram via Planoly. Je me suis formée avec Kat Coroy, en ligne, (je la recommande vivement !) et j’essaie de « m’updater » régulièrement.
Je suis consciente qu’on pourrait faire mieux mais j’attends de développer de nouveaux marchés pour passer à la vitesse supérieure sur les réseaux sociaux.
Tu es très impliquée avec cette entreprise porteuse de solidarité respectueuse, quel message, quelle phrase pourrais-tu mettre en exergue de ton activité ?
Merci de la question, car à avoir toujours le nez dans le guidon on perd parfois la vision de l’essentiel: il y a une phrase que j’aime beaucoup d’un auteur japonais:
« Individuellement, nous sommes une goutte d’eau. Ensemble, nous sommes un océan.” Ryunosuke Akutagawa.
Si tous ensemble, nous nous soutenons en respectant nos différences, avec honnêteté et sincérité, nous pourrons faire un monde meilleur pour tous.
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